Observation des étoiles variables


Le suivi des variables du type mira

Jean Gunther


Les variables de type mira sont parmi les cibles préférées des amateurs. Bien que dépourvues du "suspense" des cataclysmiques, leurs variations sont assez imprévisibles pour mériter d'être enregistrées ; elles sont suffisamment importantes pour s'accommoder de la précision modeste de nos évaluations. Beaucoup sont assez brillantes, au moins au maximum, pour être suivies à l'aide de petits instruments. Enfin la lenteur et la relative régularité de leurs variations s'accommodent bien d'observations assez espacées, imposées par le climat ou les occupations de l'observateur. Dans notre bulletin numéro 73 donnant les observations du 2ème trimestre 1995, il y avait 7574 observations de miras sur un total de 26992, soit 28%. En 1930 la proportion dépassait 50%, les cataclysmiques étant beaucoup moins suivies à l'époque, mais le nombre d'étoiles de type mira suivies et le nombre absolu d'observations enregistrées est actuellement bien supérieur en raison de l'expansion de l'activité variabiliste.

Un effort important nous avait été demandé pour suivre les plus brillantes de ces étoiles dans le cadre du programme "HIPPARCOS". Ce travail, maintenant terminé, aura contribué à une meilleure connaissance de leurs distances et de leurs mouvements propres, donc de leur physique.

Notre suivi est également apprécié par les professionnels qui étudient ces étoiles dans d'autres longueurs d'onde (en particulier en radio) et ont besoin de connaître où elles en sont dans leur cycle. Il en est de même pour ceux qui en estiment le diamètre apparent par interférométrie.

Ces contributions ponctuelles sont loin d'être négligeables, mais elles ne doivent pas faire perdre de vue l'importance du suivi à long terme, qui peut en effet faire apparaître des effets évolutifs d'un grand intérêt. Citons par exemple la brutale diminution de période de T UMi récemment mise en évidence. On pense que cette diminution pourrait être liée au "flash de l'hélium".

Il est clair que les chances de déceler des effets évolutifs de ce genre sont d'autant plus grandes que le nombre d'étoiles suivies est important. Il serait donc utile de tenir à jour les éphémérides du plus grand effectif possible de miras ; cela n'exclut pas une observation détaillée de certaines d'entre elles, les plus brillantes et les plus accessibles, afin de suivre, non seulement les éphémérides, mais aussi la morphologie de la courbe de lumière. Autre avantage du suivi des étoiles très "courues" : le grand nombre d'observateurs et d'observations permet d'envisager une analyse statistique susceptible d'affiner la courbe de lumière, et peut-être de déterminer l'équation personnelle de chaque observateur.

J'avais eu l'occasion d'attirer l'attention des observateurs sur les miras négligées dans le bulletin 36 (rectificatif dans le bulletin 37), puis dans le bulletin 49. Les listes publiées ont attiré l'attention de divers observateurs sur certaines de ces étoiles, dotées de cartes AAVSO mais peu suivies. Dans le bulletin 72 notre Président donne une estimation des dates de maxima ou minima pour 370 étoiles (contre 332 l'année précédente), dont plusieurs figuraient sur les listes en question. Il reste cependant de nombreuse étoiles de ces listes pour lesquelles les observations ne sont pas assez nombreuses pour établir une éphéméride. Par exemple, dans la constellation du Cygne, on a désormais des éphémérides pour DW et GQ, mais on reste dans l'incertitude totale pour FQ, FU, KM, etc. Pour FL et LX, il y a pas mal d'observations, mais pas assez nombreuses ni sûres pour que leur maximum ait pu figurer dans la liste du bulletin 72.

Il faut donc poursuivre ; mais peut-on placer la "barre" plus haut, aller au delà et avoir une approche plus systématique ? Pour répondre il faut estimer le nombre de "cibles" possibles, et répertorier celles pour lesquelles existe une carte. Cela est maintenant possible car nous disposons sous forme informatique, bien entendu du GCVS, mais aussi de la liste des cartes AAVSO.

Le tableau ci-après donne en première colonne, pour toutes les miras de l'hémisphère Nord cataloguées au G.C.V.S. comme observées dans les bande V et p (ou B ), la magnitude au maximum. Cette magnitude est égale à la magnitude visuelle figurant dans le GCVS ; lorsque celui-ci donne une magnitude photographique, on a enlevé 1.5 , valeur moyenne de l'indice de couleur. Les magnitudes ont été "tronquées", la ligne correspondant à la magnitude 8 comprend les étoiles entre 8.0 et 8.99. La deuxième colonne indique le nombre total d'étoiles au GCVS, la troisième le nombre de celles ayant une carte AAVSO.

mv GCVS carte AAVSO remarques
3 1 1 khi Cyg
4 3 3 R Leo, R Cas, U Ori
5 8 8  
6 26 26  
7 60 60  
8 123 119  
9 204 153  
10 282 116  
11 393 70  
12 400 41  
13 303 10  
14 135 1  

Ce tableau suggère, bien sûr, qu'il reste beaucoup de découvertes à faire au delà de 12 ; mais tel n'est pas mon propos ici. Il montre surtout l'effectif important d'étoiles accessibles au maximum à de petits instruments et non suivies faute de carte, alors que des miras très faibles en sont dotées. A titre de curiosité, les 4 étoiles de 8ème magnitude sans cartes sont :

étoile magnitude au maximum
SU Peg 9.1 mv
WY Aqr 10.0 mpg
FW Gem 10.4 mpg
EX Peg 10.0 mpg

Bien entendu tout cela n'a de valeur que statistique, les magnitudes données par le GCVS ne sont pas paroles d'évangile !

Il semble plus rationnel d'essayer de travailler sur les plus brillantes des "sans carte" que de se donner beaucoup de mal sur des étoiles très faibles dotées d'une carte. Cela n'est plus du domaine de l'impossible maintenant que la publication du GSC et son accessibilité par des produits informatiques bon marché et aisés à utiliser (cf. bulletins 72 et 73) rendent possible la fabrication de cartes "maison".

On notera que certaines des miras sans carte avaient été étudiées avant guerre par A. Brun, qui a établi des séquences de comparaison. C'est le cas de SW Cam, RU Ser, BR Ori, entre autres. Leur abandon ultérieur reste mystérieux.

On sait que la photométrie du GSC est mauvaise, mais pas tellement plus que nos estimations visuelles. Avec un peu d'attention et de sens critique on obtient des courbes de lumière tout à fait utilisables. La plus grosse difficulté vient des erreurs dans les coordonnées données par le GCVS, qui rendent l'identification de l'étoile parfois difficile. Il faut être patient : une variable, par définition, varie, et finit donc par se désigner sans ambigu<té !

Il n'est toutefois pas envisagé de diffuser de telles cartes. Les associations ne remettent à leurs membres que des cartes ayant fait l'objet d'une photométrie correcte; la production en est naturellement laborieuse. Cela n'empêche pas les observateurs de s'en constituer à partir du GSC, sous réserve d'une utilisation soigneuse et critique, et en n'omettant pas de noter les étoiles de comparaison utilisées. Sur ce dernier point, du reste, l'incertitude de la photométrie du GSC conduit à comparer par rapport à plusieurs étoiles, en sélectionnant celles qui ne semblent pas trop aberrantes; enfin il faut noter tout ce qui semble bizarre dans le champ. L'AFOEV et l'AAVSO acceptent ce type d'observations dans l'attente de la mise à disposition de cartes "officielles".

A titre d'exemple on trouvera ci-joint la courbe de lumière de HO Lyr obtenue entre l'été 1999 et l'été 2001. C'est une variable de période assez courte (100.4 jours), donnée comme variant de mpg 11.4 à 14.0. Le graphique porte en abscisse les maximums résultant de l'éphéméride GCVS. On voit que la période est correcte mais les maximums sont très décalés par rapport à l'éphéméride. Les magnitudes limites de variation du GCVS semblent acceptables ; on sait que les miras de période faible ont en général des cycles assez réguliers et reproductibles.

HO Lyrae Eo : 30584 - P : 100.4 j.

O C O-C mv
51341: 51366 -25 10.7
51442 51467 -25 10.7
51538 51567 -29 10.2
51641 51668 -27 10.9
51738 51768 -30 10.8
51838 51868 -30 10.5
51951: 51969 -18: 10.9:
52038 52069 -31 10.7

Pour terminer, signalons deux aspects intéressants, bien qu'extra-scientifiques, de ce genre d'activité. D'abord le "suspense" est souvent grand : on ne sait jamais, au moins au début, ce que l'on va trouver. Ensuite, ces étoiles ayant pour la plupart été découvertes et cataloguées photographiquement, on peut imaginer être le premier à les "voir" !


Retour à la page "étoiles variables" Retour à la page d'accueil Faites nous part de vos remarques